Étude épidémiologique sur
les causes du retard mental à Yokohama
Akiko
YOSHIDA*, Tomoko SUGANO*, Takeshi MATSUISHI*, Keiko ENDO**, Yoshiteru
YAMADA**
* Département d'Éducation
Spécialisée, Faculté d'Éducation et de Sciences Humaines, Université Nationale
de Yokohama.
** Département de Psychiatrie, Faculté de Médecine, Université
de Yokohama.
Résumé
Nous avons
recherché les causes du retard mental de 337 individus, pris en charge par le
centre social pour handicapés de Yokohama, sur une durée d'un an et demi,
d'octobre 1987 à mars 1989.
Le nombre total de participants à l'étude était
de 337. Le groupe se composait de 207 personnes de sexe masculin et de 130
personnes de sexe féminin. Le sujet le plus jeune avait 14 ans et le plus âgé 58
ans ; la moyenne d'âgé était de 22 ans. Les QI ont été évalués à l'aide du test
Tanaka-Binet. Les individus dont le QI était inférieur à 50 ont été classifiés
comme souffrant d'un retard mental grave et ceux dont le QI se situait entre 51
et 70 ont été classifiés comme souffrant d'un retard mental léger, conformément
aux normes internationales. Nous avons identifié 262 cas de retard mental grave
et 75 cas de retard mental léger. Chaque sujet a subi un examen physique et
neurologique afin d'établir les causes du retard mental. Avec l'accord des
parents, un électroencéphalogramme, une imagerie cérébrale (CT scan) et une
analyse chromosomique ont été effectués, si le médecin traitant estimait que ces
procédures étaient nécessaires. Dans les cas où le diagnostic avait déjà été
établi, les dossiers médicaux ont été consultés. Les résultats de l'étude ont
été comparés à ceux d'une étude très similaire publiée par l'Université de
Kuopio, dans l'est de la Finlande.
Le moment de l'événement déclencheur a été
classé en quatre groupes : prénatal, périnatal, postnatal et indéterminé. Dans
le groupe des cas de retard mental grave, le moment de l'événement déclencheur
avait eu lieu lors de la phase prénatale dans 25,6 % des cas, lors de la phase
périnatale dans 9,2 % des cas, lors de la phase postnatale dans 8 % des cas, et
le résultat était indéterminé dans 57,2 % des cas. Dans le groupe des cas de
retard mental léger, le moment de l'événement déclencheur avait eu lieu lors de
la phase prénatale dans 14,7 % des cas, lors de la phase périnatale dans 8 % des
cas, lors de la phase postnatale dans 12 % des cas, et le résultat était
indéterminé dans 65,3 % des cas. Dans le groupe des cas de retard mental léger,
un facteur héréditaire a pu étre identifié dans 27 % des cas.
L'étude
réalisée en Finlande a produit des résultats similaires. Les deux études ont
démontré que la plupart des individus souffrant d'un retard mental grave, avec
une cause déterminable, présentent des anomalies génétiques et chromosomiques.
La cause du retard mental s'est avérée plus difficilement identifiable chez les
individus avec un retard mental léger, et la plupart des cas dont les causes
sont indéterminées avaient des antécédents familiaux. Les résultats suggèrent
que le diagnostic prénatal et une assistance génétique peuvent s'avérer
nécessaires dans certains cas, dans le strict respect des règles
déontologiques.
Mots-clés : retard mental, épidémiologie, causes,
Yokohama, international, comparaison
I. Contexte
Le retard
mental est le terme générique caractérisant l'insuffisance du développement des
facultés intellectuelles, dont les causes varient considérablement. Un certain
nombre de recherches sont actuellement en cours pour identifier les causes de
cette pathologie. Cependant, la plupart de ces recherches sont effectuées sur
des personnes hospitalisées et très peu d'entre elles étudient les causes dans
une zone géographique spécifique. 1) 2) 3) 4)
Nous avons étudié
les causes du retard mental de 337 individus à Yokohama. Les résultats sont
comparés à ceux obtenus dans une étude similaire, réalisée dans un autre zone
géographique.
II. Participants et méthodes
Le nombre total de
participants à l'étude était de 337 individus (207 de sexe masculin et 130 de
sexe féminin) pris en charge par le centre social pour handicapés de Yokohama,
sur une durée d'un an et demi, d'octobre 1987 à mars 1989. Le sujet le plus
jeune avait 14 ans et le plus âgé 58 ans ; la moyenne d'âgé était de 22
ans.
Les QI ont été évalués à l'aide du test Tanaka-Binet. Les individus dont
le QI était inférieur à 50 ont été classifiés comme souffrant d'un retard mental
grave et ceux dont le QI se situait entre 51 et 70 ont été classifiés comme
souffrant d'un retard mental léger, conformément aux normes internationales.
Nous avons identifié 262 cas de retard mental grave et 75 cas de retard mental
léger. Chaque sujet a subi un examen physique et neurologique afin d'établir les
causes du retard mental. Avec l'accord des parents, un électroencéphalogramme,
une imagerie cérébrale (CT scan) et une analyse chromosomique ont été effectués,
si le médecin traitant estimait que ces procédures étaient nécessaires. Dans les
cas où le diagnostic avait déjà été établi, les dossiers médicaux ont été
consultés.
Le moment de l'événement déclencheur a été classé en quatre
groupes : prénatal, périnatal, postnatal et indéterminé. Ces groupes sont
décrits plus précisément ci-après.
III. Résultats
1. Causes
prénatales (graves)
La cause du retard mental grave a été déterminée dans 67
cas, soit 25,6 %. Les anomalies génétiques ou chromosomiques représentaient la
cause la plus fréquente (46 cas, soit 68,6 %). Le retard mental associé à des
malformations, considérées liées au problème neurologique, affectait 18
individus, soit 26,9 %. Nous avons aussi identifié 2 cas de syndrome
d'alcoolisme foetal (Fig. 1).
Fig.1
La Fig. 2 énumère les anomalies
génétiques et chromosomiques prénatales. Les cas de trisomie sont les plus
courants, avec 37 individus, soit 80,4 % des anomalies génétiques et
chromosomiques. Nous avons relevé deux cas de syndrome de Prader Willi,
d'Angelman et de Von Recklinghausen. La plupart des cas d'anomalies génétiques
et chromosomiques s'accompagnent de retard mental grave. En particulier, tous
les cas de trisomie 21 s'accompagnent de retard mental grave. Mais dans les cas
de trisomie 21, il existe une divergence entre un haut niveau de socialisation
et une faiblesse du QI. Dans les cas de retard mental léger, seuls 2,6 % des cas
présentaient des anomalies génétiques et chromosomiques.
Fig.2
2. Causes périnatales
(graves)
Ce groupe, comprenant des patients dont les scores d'apgar après
1 minute et 5 minutes étaient inférieurs à 6 et présentant des signes de légère
paralysie motrice, comportait 19 individus, soit 79,2 %. Il n'y a pas de
consensus quant au degré de relation de cause à effet entre les conditions
périnatales et le retard mental. Pour cette raison, 20 autres cas avec des
conditions périnatales telles qu'un poids faible à la naissance, un accouchement
prolongé, la rupture prématurée des membranes et des torsions du cordon
ombilical, n'ont pas été inclus dans ce groupe. Nous les avons classifiés dans
le groupe des causes indéterminées.(Fig.3)
Fig.3
3. Causes postnatales
Les
causes les plus communes étaient l'encéphalite (9 cas) et la méningite (4 cas),
puis les incompatibilités de groupe sanguin, les tumeurs du cerveau et les
traumatismes crâniens (Fig. 4).
Fig.4
4. Récapitulatif
Le tableau
1 récapitule les résultats de l'étude et le système de classification des causes
du retard mental léger. Comme nous l'avons indiqué précédemment au sujet des
causes prénatales, les anomalies génétiques et chromosomiques sont les causes
les plus communes du retard mental grave. Les causes périnatales des cas légers
et graves de retard mental sont liées à l'asphyxie néonatale. L'encéphalite
était la cause postnatale la plus commune du retard mental léger et
grave.
Tableau 1. Causes du retard
mental (Yokohama)
Événement déclencheur | RM total (n=337) |
RMG (n=262) |
RML (n=75) |
Préatal Anomalies génétiques ou chromosomiques Syndrome d'alcoolisme foetal Hydrocéphalie congénitale Cause incertaine du RM avec malformations |
78 48 2 2 26 |
67 46 1 2 18 |
11 2 1 0 8 |
Périnatal Asphyxie néonatale Accouchement par forceps Ictère nucléaire Traumatisme crânien |
30 23 2 2 3 |
24 19 1 2 2 |
6 4 1 0 1 |
Postnatal Encéphalite Méningite Incompatibilité de groupe sanguin Tumeurs du cerveau Traumatisme crânien Encéphalopathie post-vaccinale Syndrome de West |
30 13 5 4 2 3 2 1 |
21 9 4 3 2 2 0 1 |
9 4 1 1 0 1 2 0 |
Indéterminé Toxicose gravidique Faible poids à la naissance Autres conditions périnatales Autres |
199 5 7 13 174 |
150 3 5 9 133 |
49 2 2 4 41 |
IV. Discussion
La
recherche menée par Harberg et al. en Suède 2) est une étude
représentative des causes du retard mental centrées sur une zone spécifique.
Cependant, outre le fait qu'elle date, elle identifiait le faible poids à la
naissance et l'asphyxie légère comme des causes périnatales. Les critères
pertinents aux causes périnatales n'était pas clairement déterminés, ce qui se
traduit par une surévaluation des causes périnatales. C'est pourquoi l'étude de
Harberg n'a pas été utilisée à des fins de comparaison. Nous avons donc
privilégié celle de Matilainen et al. 6). L'étude de Matilainen en
Finlande a identifié 178 enfants souffrant de retard mental dans un groupe de
13 000 enfants entre 8 et 9 ans, en utilisant diverses batteries de test. Parmi
ces 178 enfants, 151 ont accept・de faire l'objet d'une étude. Ceux dont le QI
était inférieur à 55 ont été classifiés comme souffrant d'un retard mental grave
et ceux dont le QI se situait entre 56 et 70 ont été classifiés comme souffrant
d'un retard mental léger. Le groupe de cas de retard mental grave comprenait 46
garçons et 31 filles, et celui des cas de retard mental léger comprenait 37
garçons et 37 filles.
L'étude finlandaise a procédé systématiquement à une
analyse chromosomique et à un électroencéphalogramme. Bien que l'imagerie
cérébrale (CT scan) n'était pas disponible, des examens analogues ont été
effectués. La classification des causes étant similaire, elle a été retenue
comme critère valide de comparaison. Le tableau 5 montre le résultat de la
comparaison du groupe de cas de retard mental grave dans les deux études. Elles
affichent des résultats très similaires pour les périodes périnatales et
postnatales. Cependant, notre étude a déterminé des causes prénatales dans
25,6 % des cas alors que l'étude finlandaise en a déterminé dans 59,7 % des
cas.
La différence des résultats peut très bien s'expliquer par l'inégalité
des groupes d'âge. Dans notre étude, l'âge moyen était de 22 ans, alors que dans
l'étude finlandaise, il se situait entre 8 et 9 ans. Cela signifie que l'étude
finlandaise, surtout pour le groupe de cas de retard mental grave, comprenait
des anomalies génétiques ou chromosomiques, notamment la Trisomie 18 et le
syndrome Smith-Lemli-Opitz, et d'autres cas présentant de hauts risques de mort
prématurée, telles que la céroïde lipofuschinose neuronale.
Parmi les
individus de moins de 20 ans souffrant d'un retard mental, ceux dont le QI est
inférieur à 35 ont une espérance de vie 7 fois inférieure aux individus valides,
et ceux dont le QI est inférieur à 20 ont une espérance de vie 31 fois
inférieure 7). En d'autres termes, les individus souffrant d'un
retard mental grave avec une cause prénatale ont un taux de mortalité élevé.
L'étude finlandaise tient compte d'individus souffrant d'un retard mental grave
avec une cause prénatale qui n'auraient jamais pu atteindre l'âge moyen de notre
étude.
Il existe une deuxième explication de cette différence. L'étude
finlandaise a identifié 4 cas de syndrome de l'X fragile, soit 11 % des
anomalies génétiques et chromosomiques. Notre étude n'a pas identifié de tels
cas. Selon Nanba 8), le syndrome de l'X fragile est un facteur
racial. Sa fréquence en Europe et en Amérique est de 1 / 2 500, alors qu'au
Japon, elle est de 1 / 10 000. Ceci peut également expliquer les différences de
résultats de ces études.
Nous allons maintenant comparer les groupes de cas
de retard mental léger dans ces études. Les deux études montrent que la
proportion des cas avec une cause indéterminée était supérieure à celle du
groupe de cas de retard mental grave. Les individus souffrant de retard
héréditaire représentent 27 % des cas dans notre étude et 25 % dans l'étude
finlandaise. La cause possible de bon nombre de cas indéterminés de retard
mental léger est la présence de facteurs héréditaires marqués. Une étude
réalisée par Farag 9) sur une famille atteinte a prouvé la présence
de l'hérédité mendélienne dans 34 % des cas.
Par conséquent, si une étude exhaustive était réalisée avec des individus
souffrant d'un retard mental léger, il est probable que le taux d'hérédité
familiale augmenterait (Fig.5).
Fig.5-1.Événement déclencheur(retard mental grave)
Fig.6-2.Événement déclencheur(retard mental léger)
Nous allons à présent aborder les
critères de la période périnatale pour classifier les causes. Le faible poids à
la naissance et l'asphyxie néonatale sont des conditions fréquentes, mais il n'y
a pas de consensus sur le rapport entre le faible poids à la naissance et le
retard mental. Un faible poids à la naissance (moins de 2 500 g) ne figurait
comme cause périnatale dans aucune des études.
Selon Stewart 10),
4,6 % des enfants dont le poids de naissance était inférieur à 1 000 g auront un
QI de moins de 70 ; 12 % auront des troubles d'élocution ; 14 % seront des cas
limites de retard mental, 17 % auront des difficultés d'apprentissage et
beaucoup auront des capacités auditives réduites. Les enfants dont le poids à la
naissance était inférieur à 1 000 g, auront de 10 à 35 % de risque d'avoir une
maladie chronique et la possibilité que ceci soit une cause de retard mental ne
peut pas être complètement écartée.
Le développement de la médecine néonatale
ces dernières années a permis de démontrer que les enfants dont le poids à la
naissance était inférieur à 2 500 g comblent habituellement leur retard de
croissance initial et ont une existence normale et saine. Donc, puisque le
faible poids à la naissance (moins de 2 500 g) n'est habituellement considéré ni
une cause de retard mental, ni une maladie périnatale, la présente étude ne
retient pas ce critère.
V. Conclusions
Une étude
épidémiologique d'individus souffrant d'un retard mental à Yokohama a été
réalisée puis comparée à une étude similaire réalisée en Finlande.
La
différence entre notre étude et celle effectuée en Finlande réside dans la
différence d'âge moyen des participants et la fréquence du syndrome de l'X
fragile. Les individus souffrant d'un retard mental grave dont la cause est
connue présentaient principalement des anomalies génétiques ou chromosomiques.
Les individus souffrant d'un retard mental léger de cause indéterminée
présentaient un caractère héréditaire, ce que confirme l'étude finlandaise. Les
résultats suggèrent que le diagnostic prénatal et une assistance génétique
peuvent s'avérer nécessaires dans certains cas, dans le strict respect des
règles déontologiques.
Quant aux études des causes du retard mental,
l'absence de système détaillé de classification internationale est une lacune
qu'il est indispensable de combler.
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